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Actualité en droit des collectivités locales
1. Marchés publics – Service public industriel et commercial – Tourisme
Le contrat par lequel un office municipal de tourisme confie à une société privée l’édition d’un guide touristique de la ville en contrepartie de l’exploitation exclusive de la publicité sur ce support ne constitue pas, au regard de son objet et de son équilibre financier, un marché public mais doit être regardé comme une convention de droit privé dont le contentieux relève du juge judiciaire.
(Tribunal des conflits, 7 avril 2014, n° 3949, Société d’édition de ventes publicitaires c/ Office du tourisme de Rambouillet)
2. Police municipale – outrage – action civile de la commune
Une commune n’est pas une victime directe de l’outrage commis envers un policier municipal.
En effet, l’outrage commis à l’égard d’un agent de police municipale n’a pas directement causé de dommage à la commune, que ce soit en discréditant la police municipale ou en portant atteinte à son image. Par suite, la constitution de partie civile de la part de la commune est irrecevable.
(Cour de cassation, chambre criminelle, 2 septembre 2014, n° 13-84.663)
3. Fonction publique – mise en disponibilité – consentement de l’agent
En dehors des cas limitativement prévus pour la disponibilité d’office (raisons de santé, attente de réintégration, réorientation professionnelle), la mise en disponibilité d’un agent ne peut légalement intervenir qu’à sa demande, qui doit être formulée librement et en toute connaissance de cause.
Dans le contexte de relations fortement dégradées avec un de ses agents, une commune s’est engagée à le titulariser en contrepartie de l’engagement de l’intéressé à demander sa mise en disponibilité ou sa mutation.Commet une faute engageant sa responsabilité cette commune qui, sur la base d’une telle transaction illégale, a fait pression sur l’agent afin qu’il remplisse son obligation. La mise en disponibilité ainsi obtenue n’a pas été demandée librement et en toute connaissance de cause et la commune est tenue d’indemniser les troubles dans les conditions d’existence ainsi subis.
(Cour administrative d’appel de Versailles, 15 mai 2014, n° 13VE00481)
4. Urbanisme – contentieux – application de la réforme du 18 juillet 2013
Les dispositions de l’ordonnance du 18 juillet 2013 relative au contentieux de l’urbanisme sont entrées en vigueur le 19 août suivant.
Entre autres mesures, elles prévoient, d’une part, la démonstration par le requérant que la construction envisagée est « de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’il détient » (L. 600-1-2 du code de l’urbanisme) et, d’autre part, la possibilité pour le défendeur de présenter une demande reconventionnelle de dommages-et-intérêts contre l’auteur d’un recours excédant la défense légitime de ses intérêts (L. 600-7).
Parmi ces dispositions, les premières, portant sur l’intérêt pour agir, affectent la substance du droit de former un recours et ne s’appliquent donc qu’aux recours formés contre les décisions intervenues après leur entrée en vigueur.
En revanche, les secondes, portant seulement sur les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l’urbanisme, s’appliquent immédiatement aux instances en cours.
(Conseil d’Etat, avis, 18 juin 2014, n° 376113)
5. Marchés publics – décompte général et définitif – réclamations postérieures
En établissant le décompte général et définitif d’un marché de maîtrise d’œuvre, le maître d’ouvrage en fixe définitivement les conséquences financières, l’engagement ultérieur d’une procédure juridictionnelle étant sans incidence sur les droits et obligations des parties.
A la suite de désordres affectant un bâtiment du parc Vulcania, la Région Auvergne, maître d’ouvrage, a réclamé au maître d’œuvre l’indemnisation des préjudices résultant notamment des travaux de confortement, pour un montant total de 1,1 million d’euros.
Toutefois, ayant signé un décompte général et définitif sans y inclure les sommes relatives aux désordres objets du litige, la collectivité s’est privée de toute action en responsabilité contractuelle à l’égard du maître d’œuvre. Sa demande d’indemnisation ne peut donc qu’être rejetée.
(Conseil d’Etat, 6 novembre 2013, n° 361837)
6. Contrats de partenariat – conditions – complexité du projet
Hors cas d’urgence, l’article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales subordonne le recours au contrat de partenariat (couramment appelé « partenariat public-privé » ou PPP) à la démonstration que le projet envisagé est d’une complexité telle que « la personne publique n'est pas objectivement en mesure de définir seule et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins ou d'établir le montage financier ou juridique du projet ».
Cette exigence n’est pas remplie par la seule invocation de la complexité des procédés techniques à mettre en œuvre.
Elle l’est d’autant moins lorsque la personne publique disposait déjà d’avant-projets, remis aux candidats dans le cadre du dialogue compétitif.
En toute hypothèse, il appartient à la personne publique de prouver non pas la complexité du projet mais l’impossibilité dans laquelle elle se trouve, du fait de cette complexité, soit de définir les moyens techniques soit d’établir le montage juridique ou financier.
(Conseil d’Etat, 30 juillet 2014, n° 363007)
7. Déclaration de travaux – silence de l’autorité administrative – décision implicite
La circonstance que le formulaire utilisé pour une déclaration de travaux ait été périmé est sans incidence sur les conséquences du silence gardé par l’administration : au terme du délai d’instruction d’un mois, naît une décision implicite de non-opposition.
Une déclaration de travaux présentée sur un formulaire périmé s’analyse en une demande incomplète. Il appartient alors à l’autorité administrative de notifier au déclarant la liste des pièces manquantes, dans un délai d’un mois à compter du dépôt du dossier.
(Cour de cassation, chambre criminelle, 9 septembre 2014, n° 13-85.985)
8. Algues vertes – réglementation européenne – responsabilité de l’Etat
Les carences de l’Etat dans la mise en œuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d'origine agricole sont établies et constituent une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.
Ainsi, les communes littorales qui ont dû supporter le coût du ramassage des algues vertes sur leurs plages sont fondées à en demander l’indemnisation auprès de l’Etat, y compris par provision en référé, la créance n’étant pas sérieusement contestable en son principe.
(Cour administrative d’appel de Nantes, 22 mars 2013, n° 12NT00344)
De même, est fondé à obtenir de l’Etat la réparation des préjudices subis du fait de la perte de son cheval le cavalier dont la monture a, au cours d’une promenade sur la plage, succombé à une inhalation de gaz toxique produit par les algues vertes.
Toutefois, en s’aventurant sur une plage dont il connaissait l’invasion par les algues vertes, ce cavalier a commis une faute justifiant la réduction de son indemnisation.
(Cour administrative d’appel de Nantes, 21 juillet 2014, n° 12NT02416)
9. Domaine – chemin rural – procédure d’aliénation
En vertu de la jurisprudence Danthony (Conseil d’Etat, 23 décembre 2011, n° 335033), une irrégularité affectant la procédure préalable à une décision administrative n’est susceptible d’entraîner l’annulation de celle-ci que si elle a privé les administrés d’une garantie ou été susceptible d’influer sur le sens de la décision.
Il en va ainsi de la méconnaissance par une commune de son obligation de mettre en demeure les propriétaires riverains de se porter acquéreur des terrains d’assiette d’un chemin rural dont la vente a été décidée par le conseil municipal, formalité prévue à l’article L. 161-10 du code rural.
L’absence de mise en demeure a en effet nécessairement privé ces propriétaires d’une garantie. Il s’ensuit que la délibération décidant la cession du chemin rural est illégale.
(Conseil d’Etat, 20 novembre 2013, n° 361986)
10. Travaux publics - prescription quadriennale
La décision par laquelle une commune oppose la prescription quadriennale dans un litige relatif à des travaux publics n’est pas soumise au délai de recours de deux mois.
En effet, en vertu de l’article 421-1 du code de justice administrative, les recours en matière de travaux publics ne sont pas soumis à l’exigence d’une décision préalable.
Cette exception s’applique même aux recours dirigés contre une décision notifiée au demandeur par laquelle l’administration rejette une réclamation indemnitaire.
Une telle décision, en matière de travaux publics, ne fait ainsi courir aucun délai pour saisir le juge.
Par suite, la circonstance que la décision opposant la prescription quadriennale n’ait pas été attaquée dans le délai de deux mois est sans incidence sur la recevabilité d’un recours indemnitaire sur le fondement des dommages de travaux publics.
(Conseil d’Etat, 6 décembre 2013, n° 344062)
11 – Indemnisation –préjudice consécutif à réalisation d’un tramway.
Une officine de pharmacie avait demandé à être indemnisée par une Communauté Urbaine des préjudices subis du fait des travaux d’aménagement du tramway et notamment de la surélévation du trottoir l’ayant amené à réaliser des travaux pour établir l’accessibilité de plain pied.
Le Conseil d’Etat rappelle que la responsabilité sans faute pour dommages permanents de travaux publics permet d’indemniser le préjudice lié à la perte d’exploitation subie par un commerçant.
Il admet également l’indemnisation du préjudice en lien avec la remise à niveau du sol du commerce rendue nécessaire par la réalisation des travaux publics et ce, quand bien même l’exploitant qui les a assumés n’était que locataire. (C.E, 19 JUIN 2013, N°343252).
12 – Voies routières – conséquences du transfert de propriété.
Un usager a été victime d’une chute de vélo alors qu’il circulait le long d’une route nationale, transférée postérieurement à un Département, en application du troisièmement de l’article 18 de la loi du 13 AOUT 2004 relative aux Libertés et Responsabilités Locales.
Le Conseil d’Etat considère le Département comme responsable du dommage causé par une route nationale, quand bien même ce dommage aurait eu lieu à une époque où l’Etat était encore propriétaire de cette route. (C.E 23 OCTOBRE 2013, N°351610).
13 – Notion de « gens du voyage » - Loi du 5 JUILLET 2000.
Une Université avait demandé au Juge des Référés du TRIBUNAL ADMINISTRATIF d’ordonner l’expulsion des occupants sans titre de parcelles du domaine public.
Le juge avait fait droit à la demande en estimant que les occupants étaient des migrants de nationalité étrangère venus principalement d’Europe Centrale et Orientale et que la procédure d’expulsion spéciale instituée par l’article 9 de la loi N°2000-614 du 5 JUILLET 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage ne pouvait leur être appliquée.
Le Conseil d’Etat censure ladite ordonnance sur le fondement de l’erreur de droit en estimant que :
« Entrent dans le champ d’application de la loi du 5 JUILLET 2000 , les gens du voyage, quelque soit leur origine, dont l’habitat est constitué de résidences mobiles et qui ont choisi un mode de vie itinérant ; qu’en revanche, n’entrent pas dans le champ d’application de cette loi, les personnes occupant sans titre une parcelle du domaine public dans des abris de fortune ou des caravanes délabrées qui ne constituent pas des résidences mobiles » (C.E 17 JANVIER 2014, N°369671).
14 – Plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) : compétence territoriale.
Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’un projet de licenciement économique concerne au moins 10 salariés, dans une même période de 30 jours, se trouve imposé (article L 1233-61 du CODE DE TRAVAIL) un plan de sauvegarde de l’emploi destiné à éviter les licenciements ou en limiter le nombre.
En application de la loi N°2013 – 504 du 14 JUIN 2013 relative à la sécurisation de l’emploi – applicable aux procédures de licenciements collectifs engagés à compter du 1ER JUILLET 2013 – le contenu de ce plan est déterminé par un accord collectif ou à défaut, par un document unilatéral de l’employeur.
Un tel plan donne lieu à une décision administrative susceptible de recours devant le Juge Administratif.
Le Conseil d’Etat a été amené à déterminer le TRIBUNAL ADMINISTRATIF territorialement compétent pour connaître d’une décision administrative relative à la validation ou à l’homologation d’un plan de sauvegarde de l’emploi.(PSE)
La décision par laquelle l’autorité administrative valide ou homologue un plan de sauvegarde de l’emploi doit être contesté devant le TRIBUNAL ADMINISTRATIF dans le ressort duquel est situé l’entreprise où l’établissement concerné.(C.E 24 JANVIER 2014, N°374163).
15 – Identité de cause juridique – autorité de chose jugée.
Par un premier jugement, le TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES avait statué sur la demande d’un ancien agent contractuel demandant la condamnation de l’Etat à lui verser un rappel de rémunération, dont le Conseil d’Etat avait jugé qui lui était du.
L’agent a présenté une nouvelle demande tendant à l’annulation des décisions du Ministre de l’Intérieur refusant de lui accorder un rappel supplémentaire de rémunération.
La Cour Administrative d’appel avait constaté l’identité de partie et d’objet entre la demande sur laquelle le TRIBUNAL ADMINISTRATIF avait statué.
Il avait estimé que la nouvelle demande de l’agent avait le même objet que la précédente et n’a donc pas fait droit à sa nouvelle demande en raison de l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement.
Le Conseil d’état a validé en écartant la thèse de l’erreur de droit :
« En jugeant que la seconde demande, également fondée sur la responsabilité contractuelle de l’Etat, reposait sur la même cause juridique que la première, et que dès lors, l’autorité de la chose jugée attachée au premier jugement du TRIBUNAL ADMINISTRATIF s’opposait à ce qu’il soit fait droit à la nouvelle demande présentée par l’agent »(C.E 10 FEVRIER 2014, N°35 66 57).
16 – CCAS – ascenseur défaut d’entretien normal de l’ouvrage.
Une résidente du CCAS de la Commune de SAINT-BRIAC SUR MER (ILLE ET VILAINE) avait fait une chute dans l’ascenseur de la résidence.
Elle a assigné l’établissement public devant le juge des référés pour qu’il ordonne une expertise médicale.
A la suite du dépôt du rapport expertal, la victime a engagé une action en réparation devant le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE, lequel s’est déclaré incompétent en ce qui concerne la responsabilité du CCAS , mais en revanche a reconnu la Société THYSSENKRUPP ASCENSEURS responsable des conséquences dommageables de l’accident, pour un manquement à son obligation de renseignement et de conseil en raison de la connaissance que cette société avait des problèmes de décalage de l’ascenseur qu’elle était chargée d’entretenir.
La Société THYSSENKRUPP a été condamnée par le juge judiciaire à régler une indemnité en réparation des préjudices subis par la victime.
Ce jugement a été infirmé par la COUR D’APPEL DE RENNES qui a estimé que cette société n’était tenue que d’une obligation de moyen tout en considérant que les fautes n’étaient pas établies.
Une action a été ensuite initiée devant le TRIBUNAL ADMINISTRATIF.
A cette occasion, il a été rappelé que le défaut d’entretien normal de l’ouvrage qui est l’ascenseur d’un bâtiment public relève du régime de la responsabilité sans faute, de son propriétaire, qui peut, en cas de condamnation, obtenir d’être garanti par le titulaire du contrat à qui il en a confié l’entretien complet (T.A DE RENNES, 24 AVRIL 2014, N°105432).
17 – Faute personnelle – juge compétent.
La distinction entre la faute de service et la faute personnelle pose l’un des plus anciens cas de répartition des compétences entre le juge administratif, compétent en cas de faute de service, et le juge judiciaire, compétent en cas de faute personnelle (TRIBUNAL DES CONFLITS , affaire PELLETIER 30 JUILLET 1873).
L’admission progressive de l’existence de fautes personnelles entretenant un lien avec le service a entraîné une complexification du contentieux.
Dans une décision de MAI 2014, le Tribunal des Conflits a considéré que la victime d’une faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service, peut poursuivre concurremment l’agent responsable devant le juge judiciaire et l’Administration, en l’espèce la Commune, devant le Juge Administratif, à charge pour les deux ordres de juridiction de veiller à ce que le montant total des indemnités accordées ne dépasse pas celui du préjudice. (Tribunal des Conflits, 19 MAI 2014, N°3939).
18 – Prise illégale d’intérêts – détournement de fonds publics.
La CHAMBRE CRIMINELLE DE LA COUR DE CASSATION a été conduite à rappeler qu’il n’était pas nécessaire de démontrer l’existence d’un intérêt personnel pour caractériser la prise illégale d’intérêt et le détournement de fonds publics et ce, dans la ligne de la jurisprudence gouvernant les éléments constitutifs des infractions regroupées autour « des manquements au devoir de probité ».(COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, 23 JUILLET 2014, N°13-82 – 193).
19 – Elections municipales – contentieux électoral.
Les élections municipales de MARS 2014 ont permis au TRIBUNAL ADMINISTRATIF de rappeler les règles gouvernant la matière lorsque celui-ci se trouve saisi d’une protestation visant l’annulation du scrutin.
Le juge, dans son raisonnement, recherche l’effectivité ou non d’indices accréditant la thèse de l’altération à la sincérité du scrutin tout en combinant cet élément au paramètre clé du différentiel de voix.
Dans ce sens, cf. TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES N°1401403, Elections Municipales de BOBITAL (COTES D’ARMOR) :
« L’emploi d’une tournure impersonnelle dans le tract fait obstacle à ce que cette insinuation , pour regrettable qu’elle soit, puisse être regardée comme présentant un caractère diffamatoire à l’égard du Maire sortant, ou de ses colistiers ; qu’ainsi le contenu de ce tract ne peut être regardé comme ayant excédé les limites de la polémique électorale…
Considérant, enfin, que la liste conduite par Monsieur H. a obtenu 441 voix , contre 262, soit un écart de 79 voix représentant 13% des suffrages exprimés…
Considérant qu’il résulte de l’ensemble de ce qui précède et particulièrement de l’écart de voix séparant les deux listes, que le tract en cause n’a pas été de nature à affecter la sincérité du scrutin ». (TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES, N°1401403, 28 MAI 2014).
Michel POIGNARD
Docteur en Droit
Spécialiste en Droit public et Droit de la santé